Étonnant poulpe Quand le poulpe s’effraie, il colore le monde sous-marin d’un nuage d’encre. Ce céphalopode, aussi sensible qu’intelligent, est lui même un prédateur. On peut l’observer et compter ses dix bras pour le différencier de la seiche qui n’en compte que huit. On peut aussi le mouiller au vin blanc ou le porter aux nues de nos imaginations. Avant que janvier ne disparaisse je vous souhaite une année 2023 la meilleure possible. Et toujours, vos recettes pour que nous leurs trouvions une oeuvre et un texte ! Amitiés 25 janvier 2023 Corinne Cossé-le Grand cossecorinnelegrand@gmail.com Instagram: @carrousel_art
Seiche au vin blanc, recette proposée par Patrice Bauché Ingrédients Un kilo de blancs de seiche ou calamars (ou seiches à préparer) • Trois carottes • Six échalotes • Vin blanc. Bon muscadet par exemple • Huile. Un morceau de beurre • Laurier, thym • Sel, poivre • Une pincée de piment d’Espelette (facultatif) • Une cuillérée à soupe de concentré de tomatePréparation Couper les blancs en tronçons d’environ 5cm x 5cm. Faire blondir les échalotes dans un mélange huile-beurre. Réserver. Saisir la seiche légèrement farinée dans un autre mélange huile-beurre. Puis la déposer dans une cocotte avec les échalotes, les carottes en tronçons, mouiller complètement avec le vin blanc. Saler, poivrer. Ajouter les feuilles de laurier et le thym. Faire cuire sans ébullition pendant environ 1h30. La seiche doit être parfaitement tendre. Modifier l’assaisonnement si besoin, on peut rajouter d’autres épices si on veut. Ce plat est délicieux réchauffé, on peut aussi le congeler. Accompagner de riz ou pommes de terre cuites à part et ajoutées pendant les dix dernières minutes. Cette recette peut se faire aussi, pareillement, avec du vin rouge.
Wu Zei, 2010, Huang Yong Ping (1954-2019)À la croisée de l’Orient et de l’Occident, les installations et sculptures de Huang Yong Ping mêlent des symboles bouddhiques et taoïstes, des références chrétiennes à l’histoire de l’art et de la philosophie occidentale. Ayant souvent recours à des animaux vivants ou empaillés, ses œuvres sont autant d’allégories sur la vie en société, le devenir et l’hybridation des identités. L’artiste avait imaginé et conçu l’œuvre « Wu Zei » pour le Musée océanographique de Monaco en 2010. Artiste d’origine chinoise connu pour ses œuvres monumentales, Huang Yong Ping avait installé une pieuvre géante d’environ 25 mètres d’envergure, spécialement créée pour prendre place dans le salon d’honneur du musée à l’occasion du centenaire. L’œuvre présentée durant près de deux ans a marqué l’esprit des visiteurs. On avait vu se réfugier au plafond du musée océanique une pieuvre hybridée d’une seiche. L’animal mutant et immense avait pour nom Wu Zei, un mot valise désignant la seiche (Wu Zei en chinois) mais aussi la couleur noire (Wu) et, enfin, le vol, la corruption (Zei). La pieuvre tentaculaire et monstrueuse brassait large… L’artiste souhaitait, à travers cette sculpture, faire réfléchir le public sur les catastrophes maritimes causées par l’homme et l’état critique de nos océans. « Avec sa patte de fabuliste, Huang Yong Ping a fait de ces représentations animales des allégories des sociétés humaines » ( Beaux Arts, 2019).
Illustration pour l'édition de 1877 de Vingt Mille Lieues sous les mers, roman de Jules Verne. Gravure de Henri Hildibrand d'après Neuville et Riou.Jules Verne, 20 000 lieues sous les mers, 1869-1870. Editions P. HetzeL
Depuis un certain temps, des navires sont attaqués par un épouvantable monstre, peut-être une gigantesque baleine. Pierre Aronax, professeur d’histoire naturelle (comme on dit à l’époque), et narrateur, veut en avoir le cœur net. Il embarque à bord de l’Abraham Lincoln avec Conseil, son domestique et le Canadien Ned Land, harponneur. Mais le navire est rapidement pris d’assaut par un étrange vaisseau sous-marin, le Nautilus, commandé par le non moins étrange capitaine Nemo. Les voilà donc embarqués pour un périple au cours duquel ils vont être confrontés à ces monstres de la mer, les terrifiants poulpes géants. « Aussitôt, l’un de ces longs bras se glissa comme un serpent par l’ouverture et vingt autres s’agitèrent au-dessus. D’un coup de hache, le Capitaine Nemo coupa le formidable tentacule qui glissa sur les échelons en se tordant. Au moment où nous nous pressions pour atteindre la plate-forme, deux autres bras, cinglant l’air, s’abattirent sur le marin placé devant le Capitaine Nemo et l’enlevèrent avec une force irrésistible. Le Capitaine Nemo poussa un cri et s’élança au-dehors. Nous nous étions précipités à sa suite. Quelle scène ! Le malheureux saisi par le tentacule et collé à ses ventouses, était balancé dans l’air au caprice de cette énorme trompe. Il râlait, il étouffait, il criait : « A moi ! A moi ! ». Ces mots prononcés en français, me causèrent une profonde stupeur ! J’avais donc un compatriote à bord. Plusieurs peut-être ! Cet appel déchirant, je l’entendrai toute ma vie ! L’infortuné était perdu. Qui pouvait l’arracher à cette puissante étreinte ? Cependant le Capitaine Nemo s’était précipité sur le poulpe, et d’un coup de hache, il lui avait encore abattu un bras. Son second luttait avec rage contre d’autres monstres qui rampaient sur le flanc du Nautilus. L’équipage se battait à coups de hache. Le Canadien Conseil et moi nous enfoncions nos armes dans ces masses charnues. Une violente odeur de musc pénétrait l’atmosphère. C’était horrible. Un instant je crus que le malheureux, enlacé par le poulpe, serait arraché à sa puissante succion. Sept bras sur huit avaient été coupés. Un seul, brandissant la victime, comme une plume, se tordait dans l’air. Mais au moment où le Capitaine Nemo et son second se précipitaient sur lui, l’animal lança une colonne d’un liquide noirâtre, sécrété par une bourse située dans son abdomen. Nous en fûmes aveuglés. Quand ce nuage se fut dissipé, le calmar avait disparu et avec lui mon infortuné compatriote » Y avait-il des romans plus exaltants que ceux de Jules Verne quand, à dix ou douze ans, on rêvait d’aventures fabuleuses ? Si l’on s’y replonge, adulte, on retrouve intactes les sensations de ces lectures hors du temps, quand les écrans n’existaient pas. Dans ce récit le « poulpe » est bien loin de l’image alléchante du calamar de nos côtes que l’on imagine tendre sur son lit d’oignons et de tomates, parfumé au vin blanc, ou simplement mariné. Immense, effrayant, surgi de l’univers mystérieux de nos adolescences, il nous entraîne encore dans les délicieux frissons de nos souvenirs. Des générations ont rêvé de rencontrer le capitaine Nemo, héroïque, solitaire, obstiné dans sa quête, secret. Il conduit son vaisseau dans un univers inconnu, il est celui qui décide et qui gagne. On n’est pas encore à l’âge de l’anti-héros. Un modèle pour beaucoup de jeunes garçons, à une époque où l’on ne se pose pas de questions sur les stéréotypes de la masculinité. Et puis, un peu plus tard, il devient décidément très attirant, cet homme dont les mystères ensorcèlent, on voudrait être celle qu’il choisirait pour confidente, amoureuse secrète ? On sent bien, pourtant, qu’on se perdrait près de lui. Nemo a quelque chose d’un Heathcliff, la séduction de l’obscurité, il est le « ténébreux, le veuf (on ne sait pas), l’inconsolé (assurément) » des saisons romantiques, d’un temps l’où l’on préférait se brûler l’âme à courir les landes sauvages ou se jeter dans les flots déchaînés plutôt que de partager les tâches ménagères. Un temps où le danger des passions faisait frissonner de peur et de plaisir. Aujourd’hui, seuls des hommes vraiment originaux et loin des routines, errent sur les sommets tibétains à l’affut des panthères ou escaladent des cathédrales, les autres séduisent avec un tablier autour de la taille ou le goûter dans le panier du vélo, sur le chemin de l’école. D’ailleurs, à bord du Nautilus, il n’y a pas de femmes, pas même de cuisinière, et on n’est nullement préoccupé de ce que l’on mange, sans doute pas du poulpe. Le quotidien est toujours un extra- ordinaire, qui n’intéresse ni l’auteur ni le lecteur. Le plaisir de la lecture, pourtant, est intact, la fluidité de la langue, les adjectifs puissants, les images épiques, immédiatement surgies d’une imagination constamment sollicitée. L’habileté du narrateur qui nous conduit dans les profondeurs de son univers nous enchante toujours, comme Le capitaine dont le charme inquiétant trouble encore un peu notre contemporaine lucidité. Marylène Conan mariconan29@gmail.com Instagram:@conanconan2935
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